La protection de la nature :  une action à la portée de tous

Comme vous le savez, une des finalités d’Hyzaeku est de créer des lieux de régénérescence pour la faune et la flore . Dans ce cadre, l’association a décidé de transformer sa première réserve naturelle en zone refuge et d’extraire celle-ci de la zone de chasse de sa commune . Dans cet article, nous souhaitons vous partager les étapes-clés à suivre si vous souhaitez également convertir votre propriété en havre de paix pour la faune sauvage . En effet, chaque terrain - qu’il soit grand ou petit - abrite la vie. Et à chaque instant, celle-ci mérite d’être chérie. C’est pourquoi, dans cet article, nous arpenterons les chemins administratifs vous permettant de transformer votre lieu en un havre de paix et de régénérescence.

 

Le cadre actuel

 

Si l’article L.422-1 du Code de l’Environnement dispose que « nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit », la réalité est bien différente ! Suivant l’adage « qui ne dit mot consent », la jurisprudence estime que les chasseurs n’ont pas besoin de l’autorisa-tion express des propriétaires pour chasser sur leurs terres… (1) . Pour que votre terrain devienne un havre de paix, il faut donc entreprendre des démarches actives grâce auxquelles vous signifieriez votre opposition. C’est ce que l’on appelle communément l’opt out.

 

Des régimes différents en fonction des départements

 

En France, le droit de chasse est soumis à trois régimes différents. De fait, le type de démarches que vous devrez entreprendre pour extraire vos terres des zones de chasse dépendra d’une part, de la forme juridique de la corporation de chasseurs présente sur votre lieu et d’autre part, du département dans lequel se trouve votre commune.

Les chasseurs peuvent opter pour deux formes juridiques distinctes :

• Une société de chasse (il s’agit d’une simple association de chasseurs suivant le régime de la loi de 1901)

• Une Association Communale de Chasse Agréée (ACCA, modèle suivant le régime de la loi Verdeille de 1964)

 

 

 

Afin de savoir à quel régime sont soumis les chasseurs de votre commune, référez-vous à la carte ci-contre.

Société de chasse – loi 1901

 

Si selon la carte créée par l’ASPAS et les informations que vous aurez récoltées en mairie votre terrain relève d’une société de chasse, vous devrez entreprendre les démarches suivantes pour extraire vos terre :

1) Adressez une lettre recommandée avec accusé de réception au Président de la Société de chasse concerné, en précisant simplement que vous souhaitez interdire la chasse sur votre terrain sur le fondement de l’article L.422-1 du Code de l’environnement. Dans ce document, n’oubliez pas de signaler le ou les numéros de parcelles concernées.

Au sein de ce courrier, vous préciserez :

A- votre adresse personnelle

B- la superficie de la parcelle visée par la restriction

C- le ou les numéros de cadastre de celles-ci

Vous annexerez également à cette lettre :

D- les documents faisant état des droits de propriété sur le terrain concerné

E- une copie du plan cadastral.

 

2) Disposez des panneaux « Propriété privée – chasse interdite » sur votre terrain. L’idéal est d’en placer un tous les 200 mètres.

 

Une fois ces formalités réalisées, l’interdiction sera immédiate et définitive. Vous veillerez également à transmettre une copie de ce courrier à votre mairie et à en conserver une que vous pourrez présenter aux éventuels chasseurs « baladeurs ».

 

Association Communale de Chasse Agréée (ACCA)

 

L’article 422-10 du Code de l’environnement (2) précise que lorsqu’une Association Communale de Chasse Agréée existe, les chasseurs ont le droit de chasser sur l’ensemble du territoire des terrains de la commune à l’exception de trois cas :

• s’ils sont situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation ;

• s’ils sont entourés d’une clôture ;

• s’ils ont fait l’objet de l’opposition du/des propriétaires du terrain qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent l’exercice de cette pratique sur leurs biens.

Ce droit résulte d’un arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme du 29 avril 1999, l’arrêt Chassagnou (3). Cet arrêt modifie l’inclusion forcée des terrains dans le périmètre de la chasse et l’adhésion obligatoire des propriétaires contre leur gré à l’association de chasse de leur commune. Grâce à cette décision de justice, tout propriétaire jouit d’un droit de retrait de sa ou ses parcelles des zones de chasse pour “convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse”. Cette démarche qualifiée d’opposition de conscience ne nécessite aucune justification complémentaire.

En résumé, si votre terrain ne dépasse pas un rayon de 150 mètres autour de votre habitation ou que ce dernier est entièrement clôturé, votre terrain est automatiquement protégé. Aucune démarche ne sera donc nécessaire.

Si tel n’est pas le cas vous pouvez activer votre droit à l’opposition de conscience en suivant la démarche suivante (4) :

- Adressez une demande de retrait par courrier recommandé (5) avec accusé de réception au président de la Fédération des chasseurs (6) de votre territoire.

- Dans votre demande, veillez à préciser les informations suivantes :

A- votre adresse personnelle

B- la superficie de la parcelle visée par la restriction

C- le ou les numéros de cadastre

D- des documents faisant état des droits de propriété dont fait l’objet le terrain concerné

E- une copie du plan cadastral (7)

 

Ensuite, la Fédération transmettra votre dossier au président de l’ACCA de votre département; Celui-ci aura deux mois pour donner son avis et le communiquer à la Fédération départementale des chasseurs ;

À partir de la réception de votre dossier, la Fédération des chasseurs dispose d’un délai de 4 mois pour vous délivrer l’attestation stipulant que votre terrain est sorti de la zone de chasse concernée par l’ACCA.

Une fois votre demande actée, vous devrez poser au minimum un panneau mentionnant « Propriété privée, Chasse interdite » sur votre terrain. Bien entendu, vous devrez également vous engager à ne pas chasser. L’opposition de conscience n’étant ouverte qu’aux non-chasseurs.

Attention, soyez vigilants : votre demande ne pourra être prise en compte que lors de la révision du territoire de l’ACCA. Autre point d’attention : elle devra être entreprise dans un délai de 6 mois maximum avant ladite révision (8). Et, celle-ci n’a lieu que tous les 5 ans…

A titre d’exemple, si la révision de l’ACCA vous concernant est prévue pour le 26 décembre 2024, votre demande doit impérativement être notifiée au Président de la Fédération départementale des chasseurs avant le 26 juin 2024. Passée cette échéance, votre terrain ne sera retiré qu’à la prochaine modification soit en juin 2029.

 

Le cas particulier de Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

 

Vous l’aurez remarqué, ces trois départements sont colorés en bleu sur la carte situé sur la page plus haut. Et pour cause, ils bénéficient d’un régime totalement différent (et en défaveur du droit de propriété (9). Ainsi, dans ces trois départements, le gibier est considéré par le droit local comme relevant du patrimoine des communes. Il doit donc être géré et réglementé par celles-ci et ce, avec le soutien d’une police de chasse spécifique. Le droit de chasser est loué par adjudication publique ou, dans certaines conditions, par convention de gré à gré ou par appel d’offres, pour une durée de 9 ans (10), selon un cahier des charges type, validé au niveau de la préfecture.

Dès lors, les propriétaires fonciers n’ont aucun droit sur la chasse effectuée sur leur propriété. Concrètement, il leur est impossible d’interdire l’abatage de gibier ou l’accès de leur propriété aux chasseurs… Exception faite de deux situations : soit leur terrain est entièrement clôturé (11), soit sa superficie est supérieure à 25 hectares et ce cas de figure n’est possible que si le propriétaire est lui-même chasseur (12)….

Si vous résidez en Alsace-Moselle, les seules démarches significatives que vous pourriez entreprendre seraient donc de clôturer votre terrain ou d’oeuvrer pour que votre commune soumette la chasse sur les lots qu’elle loue à des conditions de temps (interdiction de chasse certains jours ou certaines heures) ou de lieu (à proximité des habitations notamment) (13).

 

Que faire en cas de non-respect ?

 

Les chasseurs continuent de venir en dépit de vos démarches et de la présence des panneaux sur votre terrain ? Agissez rapidement :

• Appelez les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) (14). Ils recueilleront votre plainte et s’ils constatent l’infraction, ils verbaliseront immédiatement les chasseurs.

• À défaut de flagrant délit, récoltez des preuves : photo, vidéo des tireurs chez vous ou de leur chien de chasse... puis déposez plainte en vous rendant au commissariat ou à la gendarmerie de votre choix.

• Contactez la LPO pour vous aider à faire respecter vos droits.

Voici leurs coordonnées : Siège national LPO France - Fonderies Royales, 8 rue du Dr Pujos. CS 90263. 7305 Rochefort Cedex Tél: 05 46 82 12 34

 

Au plaisir d’arpenter vos havres de paix !

 

Pénélope Heimann

 

1. « La loi qui ne permet la chasse sur le terrain d’autrui qu’autant qu’elle a lieu avec le consentement du propriétaire n’exige pas que ce consentement soit exprès » arrêt Cass., ass. plén., 12 juin 1846 : DP 1846. 4 64. « L’autorisation tacite de chasse découle de l’exercice de la chasse au vu et au su du propriétaire » Paris 12 janv. 1963 : JCP 1963. IV 4083.

2. « Lorsqu’une ACCA existe, les chasseurs ont le droit de chasser sur l’ensemble du territoire de chasse de l’ACCA, ce dernier étant constitué de tous les terrains situés sur la commune, àl’exception de ceux :1° Situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation ; 2° Entourés d’une clôture telle que définie par l’article L. 424-3 ; 3° Ayant fait l’objet de l’opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d’un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l’article L. 422-13 ; 4° Faisant partie du domaine public de l’Etat, des départements et des communes, des forêts domaniales ou des emprises de Réseau ferré de France et de la Société nationale des chemins de fer français ; 5° Ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds. Lorsque le propriétaire est une personne morale, l’opposition peut être formulée par le responsable de l’organe délibérant mandaté par celui-ci. »

3. Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme constate que la mise en oeuvre de la loi du 10 juillet 1964 entraîne des violations du droit au respect des biens, du droit d’association négatif et du principe de non-discrimination affirmés par la CEDH et la jurisprudence européenne. Chassagnou et autres c/ France du 29 avril 1999.

4. Décret n°2019-1432 du 23 décembre 2019

5. Article R.422-52 du Code de l’Environnement : « L’opposition mentionnée à l‘article L. 422-18 est formulée par les personnes mentionnées aux 3° et 5° de l’article L. 422-10, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par un envoi recommandé électronique au sens de l’article L. 100 du code des postes et des communications électroniques. A l’appui de leur demande, celles-ci joignent les justificatifs mentionnés au premier alinéa de l’article R. 422-24 … )

6. Article L422-18 du Code de l’environnement : « La personne qui la formule la notifie au président de la fédération départementale des chasseurs. (…) » Consultez le site de la LPO, vous y trouverez un courrier type de demande de retrait de l’ACCA. Cette association pourra également vous aider à créer votre refuge.

7. Article R.422-24 du Code de l’Environnement : à l’appui de leur opposition, les personnes mentionnées aux 3° et 5° de l’article L. 422-10 doivent joindre toute justification pour la détermination tant de la surface du territoire intéressé que des droits de propriété dont il est l’objet…)

8. Article L.422-18 du Code de l’environnement : « L’opposition formulée en application du 3° ou du 5° de l’article L. 422-10 prend effet à l’expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d’avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. À défaut, elle prend effet à l’expiration de la période suivante. »

9. L429-2 et suivants du Code de l’Environnement : « Le droit de chasse sur les terres et sur les espaces couverts d’eau est administré par la commune, au nom et pour le compte des propriétaires. »

10. Article L429-7 du Code de l’Environnement.

11. L424-3 du code de l’environnement. « Un mur ou un grillage continu fera alors office d’obstacle au passage des chasseurs et des gibiers à poils ».

12. Article L429-4 : « Le propriétaire peut se réserver l’exercice du droit de chasse sur les terrains d’une contenance de vingt-cinq hectares au moins d’un seul tenant, sur les lacs et les étangs d’une superficie de cinq hectares au moins. »

13. Si cette démarche, vous intéresse, consultez l’excellent guide rédigé par l’ASPAS sur « Interdire la chasse sur les biens communaux dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle » téléchargeable via le lien suivant : https://www.calameo.com/ read/0071455820130bb40eb10?view=scroll&page=1

14. https://www.ofb.gouv.fr/