Des nouvelles de la réserve : le blaireau

 

Dans l'exploration que nous vous proposons de faire parmi les animaux vivants au sein de la réserve, nous allons voir d'un peu plus près un animal fort mystérieux : le blaireau.


Quelques généralités :


De la dizaine d'espèces de blaireaux que l'on retrouve dans le monde, notre blaireau « européen », Meles meles de son nom latin, est celui dont l'habitat couvre la plus grande zone géographique, de l'ouest de l’Europe à la Russie.

 

De l'ours, il emprunte sa façon de marcher : sur les paumes (on les appelle à ce titre des plantigrades), ce qui lui a valu d’être auparavant « rangé » dans la famille des ursidés. Du panda, il partage cette pigmentation noire et blanche particulière sur la tête, et qui le rend si reconnaissable. Le reste du corps étant un parfait mélange de ces deux couleurs, un beau panaché de gris.

 

Ce petit mammifère trapu est aujourd'hui classé dans la famille des mustélidés, c’est à dire la famille des fouines, martres, putois etc. Petit, petit… c'est tout de même le plus grand représentant de sa famille en France (après le glouton, que l'on ne retrouve que dans la partie sibérienne et australe de l'Europe et de l'Amérique du nord, sous le nom de wolverine).


Quelques points importants :


Le blaireau est une espèce nocturne. Il est actif entre le crépuscule et l'aube et ne sort généralement qu'a la nuit tombée. Grattage et épouillage familial sont les premières activités à l’extérieur. S'en suivent patouillage de territoire, recherche de mets délicats, entretien du logis...
Ces mœurs nocturnes lui valurent d’ailleurs une bien mauvaise réputation, et une grande méconnaissance. Il n'est ainsi étudié que depuis les années 70 et de nombreuses découvertes sont encore faites sur ce bel animal.


Le blaireau est avant tout une espèce forestière, de lisière de bois et de talus. Il peut parfois s'adapter à une vie en terrain plus découvert selon les modifications engagées par les infrastructures humaines.

Les blaireaux sont des terrassiers extraordinaires. Ils creusent, aménagent et habitent dans de vastes terriers, possédant de nombreuses galeries, chambres, tunnels, culs de sacs, entrées principales et secondaires. Bref, il peut bouger un volume de terre équivalent à 40 tonnes ! Il aime creuser sur les sols en pente (ce qui facilite l'évacuation des déblais) et en pied de petits reliefs (butte, falaise, talus), là où les racines permettent de solidifier la structure.
Ses maisons sont remarquables à bien des niveaux. De par leur taille bien-sûr, leur complexité d'usage (chambre à coucher, maternité, nurserie, salons, parfois toilettes), leur nombre d'entrées et de sorties, et de par leur entretien. Car le blaireau est une véritable fée du logis. Il change régulièrement la litière des chambres, y apportant de nouvelles herbes sèches, des fougères, de la mousse, des feuilles mortes ou de la paille fraîche. Il maintient son chargement entre son menton et son avant-bras et pénètre toujours à reculons dans son terrier. Il peut ainsi faire 20 à 30 voyages en une seule nuit. En hiver, par temps sec et ensoleillé, il lui arrive de sortir sa litière pour l'aérer puis de la rentrer, toujours à reculons.

 

L’âge de ses terriers est tout aussi exceptionnel. Certains terriers sont occupés depuis des dizaines voire des centaines d'années ! Ces terriers seront aménagés tout au long de leur vie et sont « transmis » de génération en génération.

 

Autrefois considéré comme solitaire, on lui découvre une vie de famille riche. Ce sont des animaux territoriaux, vivant en clans familiaux de 3 à 6 individus en moyenne. Il semble que les blaireaux ont peu tendance à quitter le territoire de leur clan de naissance et y demeurent tant que le site reste calme et suffisamment riche en nourriture. Les petits restent parfois toute leur vie avec leur famille.

En plus d’être un animal somme toute assez paisible, avec de hautes valeurs familiales, il est également fort accueillant dans ses demeures ! En effet, il n'est pas rare d'observer des renards, des lièvres, des rongeurs, des chauves-souris et d’autres partager aimablement son logis et ces exemples de cohabitations semblent courants.

 

La taille du territoire varie selon la disponibilité en nourriture. Il s'étale sur une trentaine d’hectares en moyenne, mais peut s'étendre jusqu'à plus de 150 hectares.


Le blaireau aujourd'hui :


Le blaireau a une démographie naturelle stable, avec une seule portée par an. Cette stabilité des effectifs est régulée par les naissances. En effet, toutes les femelles pouvant être fécondées ne se reproduisent pas chaque année, même en période d'abondance, régulant de façon efficace leur population. Le nombre d'individus par clan est ainsi assez stable.


Les baisses d'effectifs de leurs populations sont liées aux attaques de l'homme, aux épidémies ou aux variations du climat. Lors d'été très secs par exemple, les blaireaux peuvent mourir d'inanition en grand nombre.

 

Point alimentation :


Question nourriture, le blaireau est le seul mustélidé (rappelez-vous, la famille de la fouine par exemple) qui n’est pas chasseur et carnivore mais omnivore, comme nous. Son corps trapu n'est fait ni pour la poursuite de proie, ni pour la grimpe aux arbres. Il possède un régime très variable selon les disponibilités.

 

Les vers de terre (80% de son alimentation) et les amphibiens sont les principales sources animales de nourriture des blaireaux (on comprend mieux pourquoi le blaireau est si sensible aux périodes de sécheresse puisqu’une grande partie de son régime est lié aux conditions d'hydrologie) complétées par quelques insectes du type coléoptère. La liste des végétaux consommée par le blaireau est très longue et ses ressources alimentaires vont dépendre de la disponibilité et de l'abondance saisonnière des aliments.

 

Aux abords des cultures humaines et lors de disette de vers de terre, il consomme volontiers quelques céréales ainsi que du maïs, cela se fait surtout depuis la généralisation de sa culture sur le territoire. Dans le sud, il ramasse des olives ou encore des figues. Ailleurs, il goûte champignons et tubercules. Comme beaucoup d'autres mammifères, c'est un grand amateur de fruits (raisins, pommes, prunes...) et notamment de fruits rouges dont il est très friand (mures, groseilles, framboises, cassis...). On le retrouve malheureusement parfois auprès des poubelles des humains à cause de la fragmentation de leurs habitats et du manque de nourriture.

 

Les menaces qui pèsent sur lui :


Sa population a beaucoup diminué ces dernières décennies. Il a notamment beaucoup souffert des campagnes de gazage de renards durant certaines périodes, censées lutter contre la rage et désormais interdites (les renards partageant fréquemment les terriers des blaireaux). Fort heureusement, il est aujourd’hui reconnu la parfaite inutilité de telles méthodes.

Chez les animaux territoriaux, éliminer les occupants d'un territoire laisse ce territoire non défendu et invite les animaux voisins, éventuellement malades, à occuper ce territoire, ce qui contribue à diffuser des épidémies telles que la rage - le nombre de cas a augmenté durant la période d'empoisonnement. Une grande partie des terriers gazés étaient occupés par des blaireaux, qui mouraient empoisonnés ou sous les balles ou grenailles de chasseurs les attendant à la sortie.
Le blaireau est un grand vadrouilleur, que ce soit le long de son territoire ou pour partir à la recherche de nourriture. Le morcellement de ses habitats, la chasse et les routes sont sa principale cause de mortalité à l'heure actuelle. Ses nombreuses vadrouilles en font une espèce particulièrement sensible aux collisions routières. Il n’a d'ailleurs que très peu d’ennemis naturels en dehors de l'homme.


Cette espèce a ainsi disparu d'une grande partie de son aire de répartition naturelle du fait de la chasse, du piégeage, de la dégradation, de la destruction et de la fragmentation de ses habitats. Il souffre également de la régression des vers de terre induite par l'agriculture intensive, et depuis quelques années localement par l'introduction d’espèces invasives de nématodes tueurs de vers de terre.

 

Il est a noté qu'en France, le blaireau est classé comme espèce gibier, donc chassable. Et il est malheureusement chassé de manière particulièrement brutale, 8 mois durant, à l'aide d'une technique que l’on appelle le déterrage ou la vénerie sous-terre* (alors même que ces animaux ne sont pas comestibles et que le mode de chasse ne conduit pas à la récupération de leur fourrure puisqu’en général, la dépouille de l’animal est laissée aux chiens).

 

Ils sont chassés jusqu'au plus profond de leurs terriers, pour le « jeu » uniquement. Seul deux pays d’Europe autorisent encore cette pratique, la France et l’Allemagne. Partout ailleurs, sa chasse est interdite et l’animal est protégé. De nombreuses associations militent et informent pour l’arrêt de ce type de chasse. Je vous invite à vous renseigner sur les consultations publiques par exemple, qui sont nombreuses, sur les sujets de la chasse et des nombreuses dérogations qui se pratiquent en France.


Traces et indices :


Les traces de pattes de blaireaux sont parmi les plus facile à identifier, avec ses 5 doigts, une paume large et les marques laissée par ses longues griffes dans le sol. Il voit très mal mais son ouïe est bonne et son odorat excellent. Il utilise ainsi grandement les odeurs pour communiquer. Une fois l'odeur de blaireau identifiée, il est alors assez « facile » de reconnaître des sentes (chemins empruntés) de blaireaux.

 

Un blaireau, mais « à quoi ça sert » ?


Si on devait chercher et nommer des « raisons » pour l'apprécier, on pourrait dire que le blaireau aère et mélange les sols, qu'il contribue à mettre à jour régulièrement la banque de graines dans le sol, qu'il contribue à la dissémination de graines de nombreux végétaux, qu'il enrichit le sol de nombreuses manières, que ses terriers font vivre de nombreux autres animaux qui sont incapables de creuser les leurs... En bref, qu'il a parfaitement sa place dans le grand fonctionnement des écosystèmes forestiers.


Mauvaises croyances :


Il est encore fréquemment considéré comme une espèce « nuisible », alors qu'il n'occasionne quasiment aucun dégât. Il arrive que le blaireau creuse dans les digues et les abords de voies de chemin de fer car il y trouve un sol en pente et facile à creuser (voir l’article en lien en annexe). Parfois, il déterre les plantations dans des jardins privés lors des épisodes de sécheresse à la recherche de vers de terre. Parfois, il grappille quelques grappes de raisins dans les vignes et mange quelques épis de maïs. A ce propos, de nombreux agriculteurs semblent s'accorder à dire que ses dégâts sont minimes, surtout comparés à ceux du sanglier.


Pour les jardiniers, le blaireau peut nous amener à une réflexion intéressante sur notre façon de jardiner et de penser son environnement.
Si la plupart des « dégâts » recensés auprès des particuliers se passent en période de sécheresse, cela signifie que c’est le bon moment pour
l'aider.

En effet, le blaireau, grand consommateur de vers, va venir là où il y en a, c'est à dire bien souvent dans les parties cultivées et bien arrosées du jardin. Il va y creuser et déterrer les plantations de fleurs ou de légumes, mais nous allons voir ensuite comment l’aider sans sacrifier son jardin.

 

Concernant son « mauvais caractère », pour en avoir fait l’expérience à de nombreuses reprises, il peut en effet vocaliser un peu fort s’il se sent menacé. Mais il est surtout discret, et animé par ses propres activités. Il n'a jamais été recensé d'attaque sur les humains et encore moins sur les chats ou autres animaux domestiques qui partagent d'ailleurs régulièrement le contenu de leurs gamelles.


Des solutions ?


Mais alors, plutôt que de chercher par tous les moyens à le faire fuir, à coût de clôture électrique, de piquets imbibés d'essence et j'en passe, pourquoi ne pas réfléchir plus loin ?


Si nous parvenons à rendre plus vivant tout notre jardin et les espaces qui nous entourent, le blaireau pourrait simplement faire partie du décor naturel de nos terres.

Plutôt que de passer autant d’énergie à chercher comment le contrer, rien n’empêche de lui réserver un petit coin de jardin bien paillé et bien arrosé en été pour lui servir de garde-manger de vers de terre !

Peut-on choisir de voir les avantages de sa présence et se réjouir de l'observer ? Apprécier par exemple le fait qu’il puisse nettoyer naturellement les gros nids de guêpes souterrains en creusant pour en manger les larves, nous aidant ainsi à ne pas marcher dessus.

 

Pour les agriculteurs, quasiment aucune « plainte » n'est recensée sur les dégâts occasionnés. Et quant aux chasseurs, mystères pour comprendre les griefs qui lui sont reprochés.

 

Pour l'aider dans notre jardin, nous pouvons notamment laisser les fruits pourris au sol (ce qui profitera aussi grandement aux merles), maintenir à disposition des coupelles d’eau et accepter de partager le même territoire de vie.


En parcourant le web à la recherche de ce bel animal, il semble que des personnes se retrouvent avec des blaireaux creusant des
terriers sous les fondations de leur maison. Ce que je pourrais en dire, c'est que pour un animal forestier, timide et discret, on pour-
rait se demander ce qui le pousse à s'établir en zone urbaine 

Peut-être que si nous protégions mieux nos espaces naturels, ils pourraient prospérer plus facilement et n’auraient guères besoin de chercher un nouveau foyer.

La bienveillance, la collaboration, l'amour et la créativité donnent de bien meilleurs résultats que la haine, la violence et l'agressivité. Alors, que d'inspiration dans son art de vivre ! Gageons que cet animal puisse continuer longtemps à arpenter et enrichir de sa présence la Terre.

 

L'association HYZAEKU est très heureuse de pouvoir offrir à ce bel animal un territoire préservé et protégé où il peut s'épanouir en toute quiétude et nous avons hâte d’ouvrir d'autres réserves de ce type.

J’espère que ce petit « exposé » vous aura donné envie de partir à la découverte de cette fascinante et charmante créature noire et blanche, que l'on voit malheureusement bien trop souvent au bord des routes.

 

Florelle ANTOINE


Pour en savoir plus, je vous encourage à lire les ouvrages et visiter les sites internet suivants (à copier coller) :
- brochure sur les mustélidés d’Europe : https://www.echosciences-savoie-mont-blanc.fr/uploads/attachment/
attached_file/23334624/BrochureMustelidesl.pdf
- le cahier technique de la gazette des terriers « on n'est pas des blaireaux » (fcpn.org)
- un article intéressant juridique :
https://blog.landot-avocats.net/2023/05/12/blaireaux-le-juge-enterre-les-pouvoirs-de-police-du-maire-mais-censure-les-
prolongations-injustifiees-du-deterrage-suite-mise-a-jour-au-12-5-2023-avec-une-nouvelle-decision/
- le kit blaireaux à télécharger sur le site de l'ASPAS
- le dépliant de l'ASPAS sur la chasse par vénerie sous terre : https://www.aspas-nature.org/wp-content/
uploads/2019/07/STOP-Deterrage-ASPAS.pdf
-un excellent article sur les blaireaux, les digues et réseaux SNCF et un projet de terrier artificiel : https://www.france-
digues.fr/actualites/digues-fluviales-apprendre-a-vivre-avec-les-blaireaux/
- https://melesleblaireau.blogspot.com/2012/07/pour-livres-web-les-le-blaireau-de.html (un blog sur le blaireau, une mine
d'or d'informations sur ce blog entièrement dédié au blaireau)


Source des images :
- fiche descriptive : https://www.ekolien.fr/espece/le-blaireau/
- aquarelle mustélidés : https://www.echosciences-savoie-mont-blanc.fr/articles/avez-vous-passer-un-mustelide
- les différentes espèces de blaireaux : https://melesleblaireau.blogspot.com/2012/05/presentation-sur-meles-meles-
genealogie.html
- terrier : http://pousse-toidemonsoleil.eklablog.com/labo-de-biologie-les-constructions-animales-a117458210